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6 novembre 2010 6 06 /11 /novembre /2010 22:57

Ao, le dernier Neandertal... le seul à connaître la réponse !

 

Pendant plus de 300 000 ans, l'homme de Neandertal a régné sur la Terre. Il allait disparaître à jamais il y a moins de 30 000 ans... Nul ne sait si son sang coule encore dans nos veines. Sauf peut-être Ao, le dernier Neandertal... Entretien avec son réalisateur, Jacques Malaterre (éducateur pour l'enfance inadaptée, auteur d'une soixantaine de documentaires, créateur de séries TV dont Boulevard du Palais, trois docu-fiction dont l'Odyssée de l'Espèce, mises en scène de théâtre de deux pièces de Marguerite Duras. Ao, le dernier neanderthal est son premier long métrage), au cinéma le Sélect à Saint-Jean-de-Luz.


ao 1

Un beau sentiment de paternité.

 

APP : Bonjours Jacques. Ma première question : êtes-vous resté proche du roman de Marc Klapczynski ?

JM : Un roman n'est pas un scénario. La littérature ne peut se filmer à l'état originel. C'est un travail d'adaptation que j'ai effectué avec Michel Fessier et Philippe Isard, reproduisant les substances de dramaturgie dans l'émotion, restant soucieux à la puissance idéologique et humaine mis en avant par Klapczynski. Ce qui m'avait ému à la lecture. La difficulté était de réaliser des scènes qui devraient se vivre pleinement sans dialogue rationnel, à la faveur d'un récit, s'inscrivant dans une préhistoire réaliste offrant au spectateur une aventure où il découvrait la terre de ses ancêtres.

APP : Succinctement, quels furent les lieux et les conditions du tournage ?

JM : La nature était l'actrice principale avec ses marécages camarguais envahis de moustiques, grottes bulgares égarées au cœur des montagnes sauvages, le Vercors et la toundra ukrainienne, en pleine tempête de neige par -20° à - 30°, c'était pharamineux et incommodent à la fois. Les acteurs ont assuré une énergie à toute épreuve, atteignant le maximum de réalisme, comme passer des heures entières torse nu dans le froid et les tempêtes de neige. Je leur avais promis une sensation humaine, un cinéma unique et vrai... (rires)... je pense avoir tenu parole.

APP : Le choix des acteurs ?

JM : En collaboration avec Dees Hamilton, directeur de casting de Ken Loach. En Angleterre pour Simon Paul Sutton qui vient du théâtre et Aruna Shields, actrice/top model à Bollywood. Deux univers différents. (ndlr:Sara, le bébé dans le film est la fille de Jacques). En Bulgarie pour l'acteur Vesela Kazakova. Sur 1600 figurants, 200 ont été retenus, parmi eux, de nombreux gitans. Ce pays foisonne d'étonnants paysages, mais aussi d'une diversité d'êtres humains. Avec Graig Morris, acteur chorégraphe et danseur, nous les avons dépouillé de leur peau de civilisés en les faisant répéter huit heures par jour pendant trois mois.

APP : Celui des animaux ?

JM : Pas de trucage numérique, tous étaient vivants dans les scènes de chasse et de combat, un énorme travail en amont. Nous avons requis un formidable dresseur, Jean-Philippe Varin, pour l'ourse Aghi venue de Vancouver, qui avalait 30kg de saumon frais par jour et qui prenait deux bains quotidiens dans une piscine pendant les trois semaines de répétition dans le Massif Central.(ndlr:cela nécessitait la présence de quatre assistants avec fusils à cartouches hypodermiques pour le cas où elle s'échapperait vers le village). Pour les mammouths, la scène fut tournée dans un cimetière parmi les cadavres et squelettes d'éléphants fossiles du quaternaire.

APP : Cette langue réinventée ?

JM : Neandertal et Sapiens avaient des organes de phonation, donc une faculté du langage. J'ai demandé aux acteurs d'user d'une langue porteuse de leurs idées, de leurs émotions. Qu'ils ne grognent ni ne s'expriment par onomatopées. Celle originelle utilisée, je me suis appuyé sur les études menées par le romancier Paul Pelot et le paléontologiste Yves Coppens sur des travaux consacrés aux sons apparus avec le développement du larynx. J'ai fait appel aux locutions encore existantes dans les régions les plus isolées, ainsi qu'aux mots communs à toutes les langues que l'on considère comme étant des traces présentes de la langue des débuts. Les acteurs avaient une telle dextérité de ce "parler" qu'ils arrivaient à se comprendre ! J'ai eu recours à une "voix off" afin de faire entendre la "voix intérieure" de ces êtres pour mieux percer leur psychologie.

APP : Et la musique ?

JM : J'ai choisi le compositeur israélien Armand Amar, car je voulais une musique à la fois du "monde" qui revienne aux origines, qui utilise instruments contemporains et primitifs. Qu'elle apporte une résonance lointaine comme un écho du passé. Qu'elle raconte quelque chose et qu'elle soit une actrice à part entière.

APP : Humanisme et tolérance sont donc les thèmes du film ?

JM : Oui, parce que Neandertal et Sapiens sont distincts et appartiennent à la même famille humaine. L'un par son mode de vie, son pacifisme, sa culture, son origine et son physique râblé, l'autre parce que svelte, belliqueux et barbare. D'où vient la peur de l'autre et de sa différence... un thème essentiel sous-jacent de mon film, une question parmi d'autres posée à celui qui a régné plus de 300 000 ans et qui n'a rien perdu de son degré de sensibilité. Le seul à connaître la réponse !.

 

Sortie nationale le 29 septembre 2010.

 

Article paru dans 'la semaine du Pays Basque' du 24 au 30 septembre 2010.


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L'ECRITURE... MA PASSION

alain-pierre pereira

 

Ma profession de journaliste culturel me permet de faire de belles rencontres artistiques dans diverses disciplines, et mes seules motivations sont spontanéité, probité, et sincérité. Mon but n'est pas de me montrer souple ou indulgent, et encore moins celui d'être virulent ou acrimonieux (sauf dans certains cas). Mes jugements seront rarement dans la négativité. Si je ne suis pas dans l'attrait ou la fascination, je préfère ne pas en parler ; pour la simple raison : le respect du travail apporté. Lucide que "toute création" signifie de mettre son énergie (car tout créateur au prime abord donne ce qu'il a de meilleur). En un mot, la seule raison de ce blog, est de vous faire partager mes coups de cœur, mes enthousiasmes, voire mon admiration et ma tendresse pour les artistes.

Alain-Pierre Pereira.

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