Guiseppe Chiavaro ... fier d'être un danseur Malandain !
Guiseppe Chiavaro fait partie de ces danseurs qui savent démontrer au public leur propre vérité interprétative. Rencontre à Bayonne au Caveau des Augustins avec cet artiste pour qui l'humilité est une grande arme pour devenir un bon danseur !
APP : Bonjour Guiseppe. Quand est née ta passion pour la danse ?
GC : Lorsque j'avais 12 ans en Italie. Ce fut un rendez-vous bien plus qu'une naissance. Au départ on m'a demandé d'essayer, histoire de faire comme mes deux sœurs. Progressivement l'attirance pour la danse fut une certitude. La chance aussi d'avoir eu une famille qui m'a soutenu et protégé. J'ai toujours considéré qu'un danseur se construit et grandit au fil des rencontres qu'il fait lors de son apprentissage. Quelques personnes influentes sont intervenues à des niveaux différents dans ce milieu, mais aussi de l'extérieur. Celles qui m'ont le plus marqué sont l'excellente et regrettée Rosella Hightower et mon maître Thierry Malandain. A tous deux, je leur dois beaucoup.
APP : As-tu connu des moments de doute ?
GC : Bien sûr, il faut qu'il y en ait pour goûter aux instants de bonheur. Lors de mon initiation, j'ai eu des phases d'anxiété, de frousse, notamment lors de mon adolescence, période de croissance pendant laquelle on n'est plus maître de son corps. Je me suis demandé si j'étais doué. J'avais le vague à l'âme loin de mon Italie et de ma famille. J'avais besoin de revenir à mes sources, à mes racines. Mais une fois pris dans l'engrenage, on veut aller jusqu'au bout. Mon but premier était de devenir danseur. En 1986 j'ai obtenu une bourse d'études pour l'École de danse de l'Opéra de Paris, ensuite ma longue instruction chez Rosella Hightower à Cannes. Puis en 1994, Thierry Malandain et la Cie Temps Présent installée à l'époque à Saint-Étienne baptisée plus tard "Ballet Biarritz".
APP : Que symbolise pour toi l'univers de Thierry Malandain ? Quel rôle tiendras-tu dans son ballet "Roméo et Juliette" le 11 septembre prochain ?
GC : Thierry est l'homme providentiel qui m'a fait aimer la danse. Ma première année au sein de la Cie Temps Présent fut une période d'acclimatation au chorégraphe et à ses méthodes de travail. Cela n'a pas été facile immédiatement. Tout en étant "néoclassique", le travail de Thierry Malandain était très dissemblable de ce que j'avais connu antérieurement. Ce que je vais dire va le faire sourire, parce que ce chorégraphe est un "fignoleur très insatiable" qui a une gestuelle vive, marquée et expressive. Il possède l'intellection de la chorégraphie et la maestria de la danse. Il m'a beaucoup appris et aujourd'hui encore, je me sers énormément de son exigence soutenue (rires). Je suis fier d'être un "danseur Malandain". Je n'éprouve pas le besoin d'aller voir d'autres compagnies parce que j'aime son "style". Je n'ai pas un rôle-titre dans ce ballet car plusieurs danseurs seront les amants de Vérone. Avec ma partenaire Sylvia Magalhaes nous représentons ce couple mort très vite par la folie des hommes mais dont on peut imaginer qu'il ait vécu un peu plus longtemps. La réflexion de Thierry pour ce ballet, c'est l'universalité du drame dans son interrogation éternelle de l'idéalisme amoureux et de son caractère quasi-mystique ou "danse d'amour et de mort" de deux amants purs. Roméo et Juliette, c'est l'amour qui se transfigure, mais aussi l'espoir d'un amour plus assoiffé, non superficiel. Je voudrais à travers ce ballet (qui couronne mon parcours) incarner l'amour tout en nuances aussi bien que Thierry aurait pu merveilleusement le traduire.
APP : Entre répertoires classique et contemporain as-tu une préférence pour l'un de ces genres ?
GC : J'apprécie ces deux univers, mais aujourd'hui avec l'expérience acquise, je verserais plus vers le romantisme parce qu'il est complet, qu'il englobe toute la danse. Chaque rôle devient un nouveau défi. Quant au contemporain, c'est le grand écart de manœuvre dont on dispose dans l'interprétation des rôles. Contrairement au classique, lui aura au contraire tendance à sortir du cadre. La danse classique, tout comme les arts vivants, est une continuelle transmutation.
APP : C'est une obsession pour toi de posséder un corps parfait ?
GC : Certes, tout danseur voue un véritable mythe du corps. Il cherche à être le plus parfait, le plus beau. Qu'il soit à la hauteur de l'image qu'il veut projeter de lui-même. C'est ce qu'on appelle "narcissisme". On pense cela lors de nos débuts. Aujourd'hui je m'en fiche, car je ne veux pas être obsédé par cette représentation du corps sublime qui risque de me cloîtrer. Sans négliger que c'est l'outil de la matérialisation de notre expression, je dis que ce n'est pas seulement physiquement que l'on danse mais c'est aussi avec la "mémoire du corps" et l'"esprit du corps". En définitive il faut savoir écouter son corps, mais ne pas trop s'écouter soi-même.
APP : Que peut-on te souhaiter pour l'avenir ?
GC : Ah, ah ! J'atteins l'âge où on commence à se poser des questions sur sa reconversion, mais pas assez vieux pour m'arrêter de danser ! J'aime et j'aimerai toujours danser ! J'espère obtenir le Diplôme d'État de professeur de danse, mais pour l'heure, rien de concret. Au Ballet Biarritz, il n'y a pas de limite d'âge fixée, c'est au danseur de décider de son départ. C'est sûr que lorsque le rideau tombera pour la dernière fois, je serai profondément triste.
Première de la création Malandain/Ballet Biarritz - Biarritz -
Roméo et Juliette pour le Festival le Temps d'Aimer la Danse, le 11 septembre 2010 à 21h à la Gare du Midi à Biarritz.
Tarifs : de 12 à 20€
Billetterie : Office du Tourisme : 05 59 22 44 66
Renseignements : 05 59 22 20 21.
Article paru dans 'la semaine du Pays Basque' du 10 au 16 septembre 2010.